Et encore un lever de soleil magique sur la French Divide

French Divide 2018

La French Divide 2018 de David Schuster, vu de l’intérieur, sans filtre, jour par jour. 


Le jour d’avant

Le jour d’avant une épreuve sportive, que l’on prépare depuis des mois, a toujours quelque chose de solennel. Il est évidemment trop tard pour changer quoi que ce soit, mais c’est le moment de tout passer en revue.
La French Divide, cette épreuve de Bikepacking à travers la diagonale du vide français, principalement sur chemins est déjà lancée : la première vague de 90 coureurs s’est élancée ce samedi matin 4 août, de Bray Les Dunes, à la frontière belge, pour 15 jours d’itinérance, sur une trace GPS imposée et en autonomie totale.
Pour moi, c’est l’heure de tester une dernière fois le matériel avant de charger la voiture.

Départ French Divide

Départ French Divide

17h30, dernières formalités administratives, nécessaires pour une telle épreuve, que je prévois de boucler en 10 jours. Je récupère ma carte Brevet à faire tamponner aux checkpoints, mon bidon souvenir.
Nous sommes une quarantaine à avoir choisi le départ du dimanche, le départ “des rapides”, qui prévoient une aventure en moins de 12 jours.
Comme attendu, il y a beaucoup d’étrangers (anglais, italiens, suédois, tchèque, belges, américains). La langue prédominante est donc l’anglais et j’observe avec envie les vélos présents : le rêve pour tout passionné, des montures superbes, éclectiques, plus ou moins lourdement chargées. Pas mal de vétérans de la TCR aussi, que l’on reconnaît facilement aux chargements ultra lights des montures.

 

Le briefing en franglais de Céline et Samuel permet de passer en revue les règles de ce périple, et l’esprit d’autonomie qui en découle. Surtout, chacun se présente : c’est une des forces de cette FD, ce partage, cet esprit famille. Je suis arrivé en connaissant quelques types de loin, j’en reviens avec des copains que j’aurai plaisir à recroiser sur une BTR, une baroudeuse, une TCR, ou tout autre événement de la planète (confidentielle) vélo.
Enfin, nous récupérons nos balises SPOT, ce petit boitier positionné sur le dessus du vélo et qui permet aussi bien d’assurer notre sécurité par sa géo-localisation (et la possibilité d’appeler les secours) que pour tous les dotwatchers, de nous suivre minute par minute.

Les dotwatchers jouent un rôle primordial : ils assurent notre sécurité, mais aussi notre motivation, en sachant qu’à chaque instant, quelqu’un suit notre progression sur la carte de France. Je serai même contacté, au cours de l’aventure, par des anonymes, me félicitant de ma progression et m’indiquant qu’ils me dotwtachaient : hyper motivant. Sans compter, évidemment, l’engouement auprès des proches, un vrai moteur.

 

Le jour 1 Dimanche 5 août

Quand faut rouler, faut rouler

5h45 : alors que la vague une, partie le samedi, attaque sa deuxième journée, pour ma part, je rejoins le peloton tout au bout de la plage pour notre départ. l’ambiance est détendue, chacun finalise son paquetage, finit son petit déjeuner.
Je suis très serein, j’attends ça depuis tellement longtemps maintenant. J’espère surtout que l’aventure me plaira, que l’image que je m’en fais, que le plaisir retiré sera à la hauteur de la projection.

Départ FD au chant du coq

Départ FD au chant du coq

6h24, au chant du coq, alors que le soleil commence à chatoyer, la petite quarantaine de coureurs s’élance, derrière la 2cv de l’organisation pour quelques kilomètres avant le premier chemin. Chacun en profite pour prendre des photos mais aussi se placer : j’ai l’impression d’être au départ d’une épreuve marathon d’une journée, tant le peloton est compact et semble prêt à en découdre : évidemment, ça ne loupe, pas, dans le premier chemin, ça se met à rouler à un sacré rythme. Nous serons à plus de 28 km/h de moyenne après 2h de roulage, astronomique.
Quelques lapins sont pris dans les roues, mais pas d’accident grave à noter. Je profite des moments de répit pour discuter avec les comparses et notamment Bruno qui, comme moi, semble juste vouloir tenir la tête du peloton pour l’instant.

Jour 1 French Divide, départ au chant du coq

Jour 1 French Divide, départ au chant du coq



Le début du parcours est très roulant, 50 kms tout plat, et le long des canaux Belges.

Le vide par l’arrière se fait au fur et à mesure, et je me force à rester aux avants postes pour l’instant. Puis, je me retrouverai rapidement en solo devant avec un certain Didier, vainqueur de la BTR 2018, rejoints parfois par un anglais, Harold, un sacré rouleur ultra light.
Dans les pavés que je déteste clairement, nous sommes rattrapés par PJ le flamand qui roule à plus de 30 à l’heure (“je suis flamand, c’est normal !”) avec Bruno dans sa roue. Je n’essaye pas de suivre, il est trop tôt pour se mettre dans le rouge, les groupes se forment naturellement. Plus de 30 kms de pavés sur cette première étape, un bon moyen de comprendre la performance incroyable réalisée par les pro avec leurs vélos de route : je me suis promis de ne jamais participer à une épreuve sur pavés, tellement difficile !


Après 150 kms et 6h pile de roulage, à Orchies, alors que je roule avec Didier, nous sortons de la trace pour rejoindre le Mc Do ouvert en ce dimanche pour 20 minutes de pause : il fait déjà très chaud, plus de 30 degrés. Nous y retrouvons notre flamand qui ne traîne pas, et sommes rejoins par l’escadrille rapide d’italiens.
Direction le Quesnoy avec Didier, 3h plus tard, où nous visitons les murailles et la fête de la ville. Je me retrouve seul et profite d’un bar pour refaire les niveaux pendant 25 min, et manger une glace.
Je retombe par hasard sur Didier un peu plus loin, et nous ne nous quitterons plus pendant les jours suivants.
Nous doublons nos tous premiers dividers partis le samedi : pour eux, il semble impossible de rentrer dans les délais.

Un peu avant Chimay en Belgique, km 290, alors que la lumière décline et que l’heure de dîner est bien là, nous tombons par hasard sur une brasserie dont la terrasse nous attire : les clients nous regardent dévorer notre plat de pâtes et nombreuses bouteilles d’eau avec curiosité. Nous sommes rejoints par un autre divider, Frédéric, qui ira, lui aussi, au bout de l’aventure.
Après 1h15 de pause, juste avant la nuit, nous repartons dans les petits chemins : il paraît compliqué d’atteindre Charleville Mézières ce soir, à une heure raisonnable.
La nuit tombe et nous testons notre roulage en forêt de nuit. Tout se passe bien et je sais que ces quelques heures gagnées sur la nuit deviendront une constante les prochains jours.
Peu après Rocroi, alors que nous commençons à réfléchir à notre horaire de pause, une maison abandonnée se dresse sur notre chemin.
Je ne suis pas emballé par le décor, mais Didier, qui a déjà une French Divide au compteur et plusieurs longues expériences semble trouver cela parfait. Je me fie donc à son instinct de bikepacker et à 23h, nous coupons les GPS pour notre première nuit dehors.

 

Avec Didier, nous faisons connaissance au fur et à mesure, sans nous presser : nous pressentons que nous allons passer plusieurs jours ensemble, nos niveaux étant similaires et nos compétences complémentaires.

Première nuit sur la French Divide

Première nuit sur la French Divide

Dans un courant d’air, la nuit sera très courte pour moi, environ 1h de sommeil effective, et nous ne tardons pas à partir quand le réveil à 4h30 sonne.
Nous avons été visités par Thomas, dans la nuit, un divider Allemand mais qui a préféré continuer et entendu  Lael, l’ultra cycliste américaine, passer en pleine nuit, cette dernière ayant prévu d’aller à Charleville Mézières.

 

Strava : https://www.strava.com/activities/1752665205

326,5 km
Temps total : 16h30

Temps roulage : 14h15

 

 

Mc DO  4,95E
resto 21,1E

 

Jour 2 Lundi 6 août

La journée galères

Attaquer les chemins de nuit, après une nuit dehors est une expérience hors norme. L’aventure, si on peut dire, commence bien maintenant. La nuit, il faut rouler lentement, surtout quand on se remet d’une sortie de 330 bornes la veille !
Au détour d’un ruisseau, alors que le soleil se lève doucement sur la forêt des Ardennes, nous tombons sur notre anglais, Harold, de la veille. Il remplit ses bidons directement dans le ruisseau ; Je lui propose alors un peu d’eau saine, étant inquiet pour la suite de son aventure. Il refuse et je comprends alors que ce gars là, ces gars là, ne sont pas là pour faire de la figuration : ils ont l’intention de vivre cette expérience à 1000%, de respecter les préceptes d’autonomie et de “démerdez-vous” de Samuel.
Nous roulons tous les 3 ensemble, croisons Petr le tchèque, qui a lui aussi dormi dehors dans la forêt, sans tente il va de soi.
Les paysages sont superbes dans cette forêt qui se réveille, autour des lacs.
En arrivant à Charleville, KM 351, Harold file dans une boulangerie, alors qu’avec Didier, nous en choisissons une autre, au niveau du premier checkpoint, que nous dévalisons de sodas et très nombreuses viennoiseries. Un petit déjeuner, sur la French, coûte environ 5 à 10 euros tant le nombre de sodas et viennoiseries ingérés est important.
Nous mangeons cela, à 7h30, sur la place centrale, où nous apercevons des dividers du samedi qui repartent. C’est leur 3ème jour qui commence.  
Samuel vient nous saluer et nous prenons le temps d’échanger longuement avec lui, notamment sur les nombreux abandons déjà à déplorer.
Nous repartons finalement alors que le soleil chauffe déjà bien le long de la Meuse.

Didier crève et comme il a déjà crevé plusieurs fois hier, le préventif ne fait plus effet : arrêt pour mettre une chambre, ce qui peut prendre du temps avec un vélo chargé pour 10 jours !

Nous repartons et à Donchéry, attaquons une côte très raide : Didier pousse quand  je m’évertue à grimper sur mon vélo de plus de 20 kg. Ce qui devait arriver, arriva : je tombe lourdement, à l’arrêt, sur mon flanc, au milieu des pierres, souffle coupé. Je ne montre rien, mais mon moral fait une chute encore plus importante : je souffre des côtes, j’ai du mal à inspirer. Je tousse fort : pas de pneumothorax, je le sentirais, ni de côte cassée, l’essentiel est sauf. Mais la douleur reste tenable et je pense immédiatement à une côte fêlée. Cette douleur restera importante les jours suivants, dans les chaos, et à l’heure où j’écris ces lignes, un examen médical semble nécessaire, tant la gêne reste importante dans la vie de tous les jours.

 

Mais il faut repartir : nous passons le reste de la journée à doubler des coureurs du batch 1, certains avec qui nous discutons, d’autres qui semblent très concentrés dans l’effort. La plupart, hélas, ne rejoindront pas l’arrivée.

 

Jour 2 French Divide : repas à Dun sur Meuse

Jour 2 French Divide : repas à Dun sur Meuse

A Dun Sur Meuse, après 8h et 130 kms de roulage, les fiches très bien préparées de Didier, nous permettent de manger un repas chaud, dans la canicule, au bord du lac. Nous faisons déjà fi du regard interrogateur des badauds, et acceptons notre état de crasse tel qu’il est. La course aux cimetières devient notre sport favori, tant la chaleur est accablante ce jour là.
Nous repartons ensuite pour une jolie balade dans les forêts, la trace GPS étant très sympa, le paysage évoluant au fur et à mesure.

 

2h plus tard, c’est le gros couac de cette aventure : je roule plus vite dans les descentes et attaque, comme indiqué par le GPS, une côte en épingle. Je me retourne et vois Didier partir en sens inverse sans réussir ni à l’avertir ni à le rattraper. Son GPS, en mode guidage, recalculera automatiquement la trace et nous passerons 25 min stoppés à essayer de nous retrouver.
Ne faisant pas la course, je ne m’inquiète pas, mais nous n’atteindrons clairement pas les 270 kms que nous nous étions fixés ce jour là.

La suite n’est pas plus simple, c’est notre jour galère : Didier crève à nouveau et la nouvelle chambre ne tient pas. C’est dur pour lui, il sent que “sa course” lui échappe, ayant à coeur de faire un beau résultat pour sa deuxième participation.
Encore beaucoup de temps de perdu, et nous nous retrouvons à court d’eau, dans des chemins de champs déserts et en plein soleil. Le rythme n’est plus là et je ne peux pas le laisser seul comme ça.
Finalement, d’autres dividers nous aident à trouver une source d’eau (Haumont près Samogneux) et nous nous rafraichissons tous joyeusement. Les minutes (heures) perdues ne se comptent plus. Dans le village suivant, nous demandons de l’eau saine à une habitante pour éviter tout risque.

Jour 2 French Divide : l'eau devient la clé

Jour 2 French Divide : l’eau devient la clé



La trace suit la forêt, et nous en prenons plein les yeux. Devoir de mémoire oblige, nous passons plusieurs villages détruits et croisons l’organisation qui fait des photos peu avant le mémorial de Verdun. Toujours assoiffés, il est difficile d’étancher notre soif.

Jour 2 French Divide : Devoir de mémoire à Verdun

Jour 2 French Divide : Devoir de mémoire à Verdun



A Verdun, nous tombons sur des dividers attablés au resto, dont le copain Fabrizio : ça fait plaisir de croiser autant de dividers, qui partagent la même aventure. Avec Didier, nous filons au centre commercial qui ferme dans 30 minutes acheter des chambres à air (Didier) et de quoi tenir jusqu’au lendemain soir en nourriture.
Nous retournons ensuite au centre ville pour manger, mais le restaurateur semble débordé, et après quelques photos avec l’organisation, nous reprenons la route, et tombons, in extremis sur une pizzeria mobile. Certainement les pires pizzas de la divide, mais elles auront le mérite de nous faire repartir rapidement, après 2h passées dans Verdun. Nous croisons l’italien en cales de route : il a subi trop de crevaisons et doit passer la nuit là pour réparer, nous ne reverrons plus Marco mais il finira bien l’aventure !

French Divide : le bronzage se précise

French Divide : le bronzage se précise

FD 2018 : les jambes sont marquées par l'aventure

FD 2018 : les jambes sont marquées par l’aventure

FD 2018 : regroupement de French dividers à Verdun pour le diner

FD 2018 : regroupement de French dividers à Verdun pour le diner



Nous roulons rapidement de nuit et traversons toute la forêt de Dieue sur Meuse à la lumière de nos dynamos : Didier ouvre la voie et j’éclaire derrière lui avec ma puissante Bush and Muller.
L’ambiance est bonne malgré un hélicoptère tous feux éteints qui survolera de longues minutes la forêt, me faisant alors penser que je suis un fugitif.
Je sais que nous marquons des points à traverser cette forêt de nuit, et refaisons un peu de notre retard de la journée. Malgré les chevreuils et les pentes inhumaines, où il faut pousser le vélo de 20 kg dans le noir, nous arrivons au camping de Villers sur Meuse vers 23h30. Tout le monde dort, et nous apercevons les lumières caractéristiques des balises Spot : Trackleaders nous confirmera que nous ne sommes pas les seuls dividers à dormir là.
Nous trouvons un coin de sol dur avec un toit et dormirons 2h30 d’un bon sommeil, surtout après une bonne douche chaude !

Une nouvelle nuit dans le Bivvy sur la French Divide

Une nouvelle nuit dans le Bivvy sur la French Divide

Harold, l’anglais, a lui, réussi à faire les 270 kms que nous aurions aimé abattre : je ne le reverrai qu’autour d’une bière à Mendionde, toujours avec ces fameux 40 kms d’avance.

 

Dans la nuit, nous sommes rejoints par 2 autres dividers et le patron du camping nous apercevra, mais ne viendra pas nous déranger malgré  notre installation non réglementaire.

 

Il s’agira de la plus petite journée de roulage de ma French Divide, près de 5h d’arrêt.  

 

Strava : https://www.strava.com/activities/1754729008

228 km
Temps total : 13h03
Temps roulage : 18h13

 

Boulangerie 6,65
Pizza 12
DAB 20

 

Jour 3 Mardi 7 août

Rattraper le temps perdu

C’est très motivés que nous quittons le camping à 5h, de nuit, sur les traces de Thomas, parti quelques minutes plus tôt. Nous sommes vite rattrapés par Nicola l’italien et Pietr le Tchèque qui ont encore dormi dehors dans la forêt. Nous passerons la journée à nous doubler.
Nous roulons tambour battant sans drafting avec Didier sur les petites routes désertes, en recherche d’une première boulangerie ouverte que nous atteindrons à 8h à Revigny sur Ornain, 55 kms.

Lever de soleil sur une nouvelle journée de la French Divide

Lever de soleil sur une nouvelle journée de la French Divide

French Divide 2018, un peu de répit

French Divide 2018, un peu de répit

Après 5h, nous sommes à Vitry le François, une nouvelle bonne occasion de manger. Nous doublons encore quelques dividers de la première vague, cela sera le calme plat quasiment jusqu’à la fin.

 

Les chemins dans ce coin sont très sympa et me rappellent parfois le raid des Cadoles.
La chasse aux cimetières reste notre activité favorite. Le duo avec Didier fonctionne bien car nous nous motivons l’un l’autre à ne jamais baisser le rythme et nous sentons que nous faisons une belle journée de roulage, avec un kilométrage conséquent. Surtout, nous savons que nous allons pouvoir passer la forêt d’Orient dans les délais, celle ci étant interdite de 21h à 6h, ce qui nous ferait perdre beaucoup de temps.

Le tour des cimetières sur la French Divide

Le tour des cimetières sur la French Divide

Du côté d’Hampigny, après un cimetière salvateur où nous dévorons nos sandwichs à l’ombre avec d’autres dividers, un 4×4 vert débarque dans un chemin. Surprise totale, mes parents ont fait le déplacement pour venir nous voir passer. Dans la concentration du moment, j’ai du mal à réaliser, surtout que nous venons de faire une longue pause, et nous repartons bien vite, mais leur proposons de nous retrouver à Bar sur Seine pour le goûter, 2h plus tard.
Je roule la pédale légère ensuite !

Après un ravitaillement sauvage et très apprécié de sympathisants de la divide, nous nous arrêtons à Brienne le Château pour ravitailler officiellement à base de coca et glaces car… j’aperçois Jeanne, Arthur, Philippe, les copains parisiens, qui semblent étonnés de nous voir. Ils nous informent que les premiers dont Lael sont vraiment très loin, mais ne faisant pas la course, cela ne m’inquiète pas.

Sympathisants sur le chemin de la French Divide

Sympathisants sur le chemin de la French Divide



A la sortie de la ville, encore un ravitaillement sauvage, que nous déclinons cette fois ci, il faut quand même rouler, et nous traversons l’agréable mais plate forêt d’Orient dont je n’ai toujours pas compris les raisons de l’interdiction.
Nous boirons plus de 15 L d’eau ce jour là, sans compter les litres de sodas. Chaque cimetière sera l’occasion d’une douche intégrale pour se rafraîchir, et les bidons en plastique seront bien mous. La canicule dans toute sa splendeur.

 

Un peu avant d’arriver à Bar sur Seine, je rallume mon téléphone pour prévenir mes parents : quelle surprise alors de découvrir, via vos nombreux messages que j’ai… abandonné ! Je ne m’affole pas, envoie quelques messages en roulant, une photo de mon GPS qui montre que j’avance et je sais que l’organisation rétablira bien vite la situation.
Je réalise alors que vous êtes nombreux à suivre mon petit point sur la carte de France et ça me fait quelque chose. J’espère sincèrement qu’au delà de l’aspect “classement” qui ne m’intéresse pas encore, vous arrivez à voyager au long de cette belle traversée.

Refroidir la machine devient essentiel

Refroidir la machine devient essentiel



Bar sur Seine, une longue pause d’1H20 bien méritée avec un bon repas offert par mes parents. Nous y retrouvons le flamand le plus rapide de la divide, Nicola l’italien, et de nombreux dividers de la première vague.
Je profite de ces instants pour me ressourcer, j’ai la sensation que la French Divide va réellement bientôt commencer.
Avant de partir, comme tous les autres dividers, nous dévalisons la supérette du centre ville en prévoyant le repas du soir, du lendemain matin et midi. Je croise Guillaume, Divider parisien, qui semble serein pour la suite et rejoindra bien l’arrivée.
Autant dire que nous repartons avec un sacré paquet de kilos en plus (dont un pot de crème de marrons, on ne se refait pas) et que les côtes à la sortie de Bar sur Seine ne seront pas faciles.
Nous en profitons pour discuter une dernière fois avec Jeanne et consorts, avant de les quitter définitivement, nous voulons aller le plus loin possible avant les orages annoncés.

Coucou Jeanne !

Coucou Jeanne !

 

Les chemins sont déserts et avec dénivelés comme prévus, les couleurs chatoyantes et la chaleur baisse un peu.

 

Nous passons Tonnerre en début de soirée, et je me fais offrir une bière lors d’un nouveau ravito de sympathisants : merci !
La nuit tombe, mais nous voulons aller le plus loin possible avant l’orage et dormir abrités. Direction Chablis.
Je passe des moments difficiles, fatigue du soir, mais Didier fait le rythme. Vers 22h, nous quémandons de l’eau auprès d’une maison encore éclairée, et sentons que l’orage approche à grands pas.
Le camping de Chablis sera parfait : à 23h, j’appelle la gérante, qui bien qu’elle ne comprenne pas pourquoi nous n’avons pas de tente, accepte de nous laisser dormir dans le préau du camping, où nous aurons même l’électricité. Nous profitons d’une douche, et dévorons nos conserves avant de nous endormir, en regardant PJ le flamand aller dormir dans le stade de foot voisin.

Je dormirai tellement bien pendant 3h30, que je n’entendrai même pas l’orage s’abattre sur nous !

Nouvelle nuit sur la French Divide

Nouvelle nuit sur la French Divide

Repas équilibré sur la French Divide

Repas équilibré sur la French Divide

La vie dehors me plait, voir le soleil se lever, se coucher. Je commence à être vraiment immergé dans cette French Divide, pour mon plus grand plaisir.

 

Trace : https://www.strava.com/activities/1756994044

286 km

Temps roulage : 14h34

Temps total : 18h05

 

boulangerie 4,55
Supermarché 9
boulangerie 5,4
boulangerie 5,34
boulangerie 3,78
resto 0

 

Jour 4 Mercredi 8 août

Où la French Divide commence vraiment

Il est trop tôt pour la gérante du camping quand nous partons, et elle ne nous fait pas régler.

Nous filons de nuit, à 5h40, à travers les vignes vallonnées de cette superbe région. Certains auront forcément du mal à venir à bout des côtes du coin.
A Irancy, nous ne trouvons rien d’ouvert, mais des habitants qui ouvrent leurs volets nous offriront l’eau et le petit déjeuner. Quelle est belle notre France !
Nous repartons ragaillardis car nous savons qu’une longue journée nous attend : nous voulons franchir le plus possible le Morvan aujourd’hui…

Vue d'Irancy sur la French Divide

Vue d’Irancy sur la French Divide


Au fur et à mesure, nous avons trouvé notre rythme avec Didier, nous formons un duo rapide sur le vélo, régulier dans nos pauses, coordonné. Etonnant pour deux personnes qui ne se connaissaient pas il y a 4 jours. Nos conversations vont au rythme des difficultés du terrain, et de notre état de forme, jamais nous ne sommes désunis.
Les matins sont difficiles : les premières heures, le corps a du mal à croire qu’une nouvelle journée de près de 15h de selle s’annonce, avec plus de 200 kms à avaler, sur des mauvaises routes et des vrais chemins. Mais passé ce cap, une fois le rythme d’ultra endurance trouvé, les heures s’égrènent au rythme des changements de paysages, de couleurs.

10 minutes de pause à Avallon, le temps de dévaliser une énième boulangerie : on pourrait écrire un livre sur ces commerces bien français : les étrangers présents sur cette FD nous en parleraient encore mieux, mais c’est bien un peu là, l’âme de nos villages et de nos terroirs.

Les chemins deviennent plus techniques et humides, plus on approche de Quarré les Tombes. Pour moi le Morvan commençait après le CP2 de cette ville, mais c’est bien avant qu’il faut s’employer sur du vrai VTT technique. Pas facile avec le chargement du vélo, et je pense souvent à ces participants en gravel ou moins aguerris : les écarts vont se creuser très vite dans cette région. D’ailleurs, nous sommes maintenant dans les 10 premiers.
Didier suit ça de près et cela occupe nos discussions, nous parions sur les formes et stratégies de chacun. Lael semble loin devant, mais rien d’insurmontable, pour l’instant. Nous sommes dans un groupe compact avec les italiens, flamands et consorts.

Un lit de rivière qui me rappelle la Granit Montana, puis un chemin montant dans les ronces qui nous zèbrent la peau : Samuel, j’en suis sûr, en prendra pour son grade. Prévenu, préparé, je ne m’attache pas à ces éléments extérieurs et reste concentré, mais me pose souvent la question de l’intérêt de nous faire prendre ce genre de difficultés avec des vélos lourdement chargés.

CP2 à l'heure du repas : parfait

CP2 à l’heure du repas : parfait

Quarré Les Tombes, CP2, Céline nous accueille avec un Facebook Live. Les parents de Didier sont là, et nous dévalisons la supérette avant sa fermeture de 13h.
Ensuite, c’est le restaurant que nous dévalisons, au milieu des guêpes : 2 plats du jour pour moi. Le corps a définitivement besoin d’un paquet de ressources maintenant.
Nicola et PJ nous rejoignent, ils feront un arrêt bien plus court que nos près de 2h. Cela affecte, je le sens, le moral de Didier qui espérait se débarrasser de ces concurrents plus vite, mais force est de constater que depuis 4 jours, nos stratégies sont identiques.

Les beaux chemins du Morvan sur la French Divide 2018

Les beaux chemins du Morvan sur la French Divide 2018

Bonheur de VTT sur la French Divide dans le Morvan

Bonheur de VTT sur la French Divide dans le Morvan

Un petit plongeon sur la French Divide

Un petit plongeon sur la French Divide

Chemins encombrés sur la French Divide dans le Morvan

Chemins encombrés sur la French Divide dans le Morvan



La suite est un des plus beaux passages de cette French, mais je ne suis pas très objectif : le Morvan. Technique, single à gogo, poussages et portages sont même souvent de mise. Mon niveau me permet de prendre beaucoup de plaisir, accompagné de Didier qui suit sans sourciller. Nous passons près de jolis lacs où nous nous rappelons que la France est en vacances. Les chemins sont parfois inondés, mais toujours praticables. Je reconnais des passages que j’avais parcourus en famille en avril et cela me rend nostalgique. Les plaisirs sont parfois plus précieux partagés.
Je profite pleinement de ces paysages que j’affectionne, en avalant tranquillement les 4000 m de D+ que compteront la journée.
Alors que la lumière décline, nous franchissons l’arche d’Autun où nous trouvons Nicola, l’italien, en train de dîner.
Nous l’imitons dans une sandwicherie pour ne pas perdre trop de temps, mais repartons quand même de nuit à l’attaque de la forêt et ses forts dénivelés.

Arrivée sur Autun, French Divide 2018

Arrivée sur Autun, French Divide 2018



Après 3h de selle de nuit, dans les petits chemins techniques, Didier a besoin de s’arrêter : les chemins techniques de nuit ne lui conviennent pas et je sens que notre duo aura du mal à aller au bout dans ces conditions. Je suis préparé à ce type de situations, et prêt à rouler plus tard si nécessaire pour sortir d’un mauvais passage, le technique de nuit ne me rebutant pas.
En attendant, à Mesvres, nous cherchons un endroit pour passer la nuit.
Je quémande, à plus de 23h, le logis, à des gens dans la rue, sans réussite, mais trouve un préau d’école qui sera parfait pour nous abriter. Nicola, que nous avions rattrapé, dormira dans le préau voisin.

Malgré mes douleurs à la côte qui m’empêchent de m’allonger confortablement, je dors maintenant paisiblement dehors.

Les mains sur la French Divide

Les mains sur la French Divide

Nuit dehors sur la French Divide 2018

Nuit dehors sur la French Divide 2018

 

 

Trace Strava : https://www.strava.com/activities/1759388445

219 km

Temps roulage : 14h15

Temps total : 18h

 

Supermarché 2,7
resto 16
DAB 20

 

Jour 5 Jeudi 9 août

Et si MA French Divide commençait vraiment ?

Après une bonne nuit réparatrice, nous repartons à la lueur de nos lampes alors que Nicola se réveille doucement : je ne le reverrai plus.
Trackleaders nous a indiqué que nous revenons sur plusieurs dividers, peut être l’occasion de faire la jonction aujourd’hui ?
Cela semble nous motiver, car à 6h du matin, le rythme n’est pas mauvais dans les contreforts du Morvan, et nous mettons bon rythme dans les chemins.
Tant et si bien que nous reprenons rapidement Maxime et son gravel, ainsi que 2 participants de la première vague, chacun leur tour, Antoine et Patrick.
Nous nous retrouvons tous à Toulon sur Arroux vers 8h15 pour un petit déjeuner bien mérité, que nous faisons rapide avec Didier pour repartir devant.

 

Petit déjeuner en roulant sur la French Divide

Petit déjeuner en roulant sur la French Divide

Nous profitons de la fin du Morvan et de la fraîcheur matinale avant d’être rattrapés par l’orage. Arrêt à Bourbon Lancy pour attaquer une nouvelle boulangerie et s’équiper : je mets tous mes vêtements car ensuite c’est roulant jusqu’à Moulins et j’ai froid. Nous sommes rejoints par nos concurrents matinaux.

 

Je fais le rythme jusqu’à Moulins, sur routes et chemins à profils descendant. Grosse surprise, une 30aine de kilomètres avant d’arriver, le frère d’Antoine, un copain rencontré sur l’Alpsman, nous tient compagnie quelques kilomètres : c’est une vraie source de motivation et cela me remet en selle pour la suite.
Didier, lui, semble peiner un peu plus depuis hier soir, et notre rythme n’est plus uni. J’essaye de l’aider comme je peux, mais son moral semble moins bon depuis que l’orage nous a essoré.
A l’entrée de Moulins, je m’arrête dans une sandwicherie pour faire les niveaux et préparer l’après midi. Didier lui, cogite sur un éventuel arrêt plus long. 40 minutes bien employées pour se réchauffer et sécher les vêtements.
Quand nous repartons, je sens que les choses ont changé : sur le pont de Moulins, les parents de Didier sont là.

Le choix est vite arrêté : je vais continuer seul, pendant que Didier prend une demi journée pour se requinquer et repartir de plus belle demain matin. Je crois que c’est le mieux pour lui et n’insiste pas trop, le laissant entre de bonnes mains.
Je ne m’attarde pas, il ne faut pas que sa décision affecte mon aventure et je dois me remettre à rouler au plus vite.

Ma vue sur la French Divide : un poste de pilotage complet

Ma vue sur la French Divide : un poste de pilotage complet



Je rattrape très vite Maxime qui a dû nous passer pendant la pause déjeuner : il restera désormais derrière moi.
Je décide de rouler bon rythme toute l’après midi, sans trop m’arrêter, pour voir comment réagit l’organisme.

Les chemins de la French Divide

Les chemins de la French Divide

Il me faut un peu de temps pour prendre mes automatismes, assurer 100% de la navigation, trouver mon propre rythme d’aventure, d’alimentation. Mais j’ai le plaisir de rouler et suis challengé par les contreforts de cette région viticole pour me tenir compagnie. Le soleil est revenu et réchauffe l’âme.
Je suis alors très étonné quand en fin d’après midi je rattrape Lael et son accompagnatrice : nous discutons un peu, elle semble surprise par la difficulté technique de ce parcours et la difficulté de rouler la nuit, elle qui a l’habitude des très longues journées de selle.

 

Le tour des boulangeries sur la FD

Le tour des boulangeries sur la FD

Je profite d’une boulangerie à Chatelle : seul les arrêts sont rares et rapides.
A Ebreuil, en fin de journée, je suis refoulé d’une pizzeria, certainement à cause de mon accoutrement. Heureusement, un commerçant bien plus sympathique acceptera de me faire une Reine en priorité, pour me laisser repartir et me rapprocher le plus possible du Massif Central. Je ne souhaitais pas y dormir par peur du froid, mais il me faudra bien y passer la nuit.
J’ai perdu mes gants qui séchaient depuis l’orage sur ma sacoche. Cela ne m’empêchera pas de finir, mais j’ai un pincement au coeur pour ces gants à 3 francs six sous, que je trainais depuis une vingtaine d’années.

Les petits plaisirs de Samuel et d'une trace souvent exceptionnelle

Les petits plaisirs de Samuel et d’une trace souvent exceptionnelle


Le roulage de nuit, en solo, se passe bien aussi, et je n’hésite pas à passer du temps au téléphone avec les proches pour partager ces moments. Cela me permet de voir que je suis bien remonté au classement, derrière Harold, PJ et Philippe qui a 24h d’écart. Peut être quelque chose à tenter dans les prochains jours ?

Les pizzerias, les alliés du Divider

Les pizzerias, les alliés du Divider

Découvrir notre patrimoine sur la FD

Découvrir notre patrimoine sur la FD

Les villages Français sont superbes

Les villages Français sont superbes

La French Divide, ça monte pas mal !

La French Divide, ça monte pas mal !

Je sors finalement de la trace pour atterrir dans un camping déjà tout endormi à près de minuit. Le froid étant saisissant, je me calfeutre dans les sanitaires ouverts aux 4 vents où je peux prendre une douche. Je ne le sais pas encore, mais ça sera la dernière !

Une nouvelle nuit dans le Bivvy

Une nouvelle nuit dans le Bivvy

Trace Strava : https://www.strava.com/activities/1761469093

243 km

Temps roulage : 15h

Temps total : 17h40

 

Boulangerie 3,5
Boulangerie 3
Boulangerie 6,9
Boulangerie 2,9
resto offert

 

Jour 6 Vendredi 10 août

Quand tu décides d’avaler des kilomètres

Malgré une nuit limite avec le froid et les réveils intempestifs dus aux campeurs allant aux toilettes, je m’échappe avant 6h dans la nuit pour attaquer, le couteau entre les dents, le Massif Central.

Ne jamais négligé une boulangerie sur la French Divide

Ne jamais négligé une boulangerie sur la French Divide


C’est avec un grand plaisir que je parcours ces beaux chemins perdus dans la forêt, à monter et descendre dans la brume fraîche du matin. Je passe le site de Vulcania encore endormi, et monte au point culminant de cette French sans souffrir de la chaleur pour une fois. Tout passe sur le vélo et je suis suffisamment en forme pour enrouler les kilomètres sans difficultés.
Depuis le haut, de nouveaux paysages, encore, s’offrent à moi. C’est un de mes endroits préférés du voyage, avec la vue sur la chaîne des volcans.

Vulcania

Vulcania


Les chemins descendants sont parfois techniques, mais rien qui ne se passe pas sur le VTT, pour peu que vous ayez l’habitude. Quand on peut mettre du rythme sur les chemins dégagés, je ne me fais pas prier, et le rythme s’envole allègrement en direction de la Bourboule où j’ai une pensée émue pour Sylvain, qui avait tant souffert l’année dernière ici.

Le massif central, un bonheur pour le VTT

Le massif central, un bonheur pour le VTT

Point culminant de la French Divide

Point culminant de la French Divide

 

Vue sur la chaîne des Volcans

Vue sur la chaîne des Volcans

 

Manger, le deuxième sport de cette French Divide

Manger, le deuxième sport de cette French Divide

Il est 11h et après tous les dénivelés avalés depuis le matin, je m’offre un bon sandwich alors que Philippe, le vétéran de la vague du samedi quitte la même boulangerie : nous ne nous attardons pas, nous nous reverrons plus tard.
Je repars, toujours à bon rythme car quand les chemins sont techniques, je roule bien et je sais que je fais la différence avec mes poursuivants, et notamment Maxime dont je me méfie. Les chemins sont magiques et je prends beaucoup de plaisir alors que le Massif Central est déjà presque derrière moi.
Je perds complètement la notion du temps sur le vélo, je suis dans une parenthèse du matin au soir. Seule la faim me rappelle régulièrement à l’ordre.

 

Le tour des lacs permet de se reposer avant une nouvelle ascension

Le tour des lacs permet de se reposer avant une nouvelle ascension

Je rattrape finalement Philippe et nous roulons ensemble sur les départementales suivantes qui longent notamment de très jolis lacs. Nous échangeons sur nos vélos, les 2 VTT chinois de cette French, un beau pied de nez à tous ces vélos hors de prix (mais pas que, hein !), et sur le plaisir de parcourir la France au rythme de nos coups de pédales.
Je sens qu’il essaye de se mettre à mon rythme, nous verrons ce que cela donne.
A Ydes, un peu avant le goûter, nous faisons un arrêt boulangerie avant d’attaquer la deuxième partie de la journée.
Nous ne resterons pas longtemps ensemble, le technique revenant, je creuse l’écart, et file à l’avant de cette French. Philippe suivra ma trace jusqu’au soir, à Beaulieu sur Dordogne où nous dormirons chacun d’un côté du fleuve !

Mettre du rythme sur la FD

Mettre du rythme sur la FD


La suite compte un nombre d’ascensions astronomiques, j’emmènerai le compteur à plus de 5200 m de D+ sur la journée, le record de cette FD. Je croise quelques serpents, en plus des classiques chevreuils, et même un sanglier, de nuit.

Se baigner, ou au moins, y penser.

Se baigner, ou au moins, y penser.



A Forgès, alors que le jour décline déjà, je m’arrête dans un Gîte de France tenu par des anglais. Ils connaissent la French Divide puisqu’un anglais (Harold) est passé quelques heures avant pour se ravitailler. Ils acceptent de me faire un sandwich / salade gastronomique avec une tarte pendant que j’en profite pour recharger mes appareils.

Et un bon dessert !

Et un bon dessert !

Une bonne table sur la French Divide et ça repart !

Une bonne table sur la French Divide et ça repart !

 

Je suis en forme pour repartir et rouler encore de nuit ce soir, je sais que ce sont des kilomètres facilement gagnés sur la journée du lendemain, tant que je n’ai pas trop sommeil.

A Beaulieu, après avoir visité le camping municipal, je file en ville, et par miracle, arrive à me faufiler dans les toilettes handicapés du stade de foot, qui ferment à clé, ont l’eau courante. Je n’aurai pas froid ce soir, et pourrai même me laver les pieds, quel luxe !

Nuit 4 étoiles sur la French Divide

Nuit 4 étoiles sur la French Divide

Trace Strava : https://www.strava.com/activities/1763416223

260 km

Temps roulage : 15h30

Temps total : 17h45

 

Boulangerie 5,35
Boulangerie 9
Boulangerie 4,25
Boulangerie 4,25
supermarché 16,99

 

Jour 7 Samedi 11 août

Le jour le plus dur

Je ne le sais pas encore en allumant mes lampes à 5h15 en ce samedi matin, mais cela sera le jour le plus difficile de cette French Divide.
Les premières heures en direction de Rocamadour sont une torture. Le corps n’arrive pas à se mettre en marche et je traine lamentablement ma peine durant des heures, en attendant de trouver une boulangerie ouverte. Les kilomètres ne descendent pas et ça sera une constante aujourd’hui.
Nous retrouvons les sentiers du chemin de Compostelle. J’aime la symbolique, mais je serai souvent surpris par le peu d’intérêt que cela peut représenter pour le marcheur. Les paysages évoluent peu, il y a énormément de caillasse, peu de paysages dégagés. Par contre, les villages traversés, bien que déserts, sont de toute beauté.

Le jour se lève sur Rocamadour

Le jour se lève sur Rocamadour

Arrivée à Rocamadour

Arrivée à Rocamadour



Rocamadour, après 2h30 de roulage, est un émerveillement. Le soleil se lève sur la vallée, les touristes ne sont pas encore arrivés à 7h30, et les lumières sont chatoyantes. Je profite du fameux et mythique single descendant, observé de là haut par les touristes dans les ballons qui doivent me voir en tout petit. J’en prends plein les mirettes, puis plein les pattes dans la côte suivante et bien raide. Mais, et ça sera une constante dans la suite de cette journée technique, j’aurai à coeur d’en monter un maximum sur le vélo, pour garder une énergie positive, avoir la gagne comme on dit.
Surtout, j’ai appris que PJ le flamand le plus rapide de la French, malade, avait dû abandonner. Sans rien demander à personne, je me retrouve propulsé à la deuxième place virtuelle, et je sens au ton des messages que je reçois, que j’ai quelque chose à jouer. Le malheur des uns faisant le bonheur des autres.

Quitter Rocamadour par les chemins de traverses

Quitter Rocamadour par les chemins de traverses

La caillasse du sud

La caillasse du sud

Dans ma tête pour autant, je dois continuer à prendre du plaisir, et surtout contrôler les retours éventuels derrière. Je m’y emploierai toute la journée, avec des pauses contrôlées.

Toujours sans ravitaillement, je crois à un mirage quand avant Montfaucon je vois un maillot du VTT Club de St Germain en Laye qui me fait de grands signes : qu’est ce que c’est que ce bazar, que fait Benjamin ici, au milieu de nulle part, un samedi ? Les hasards des vacances l’ont mis à quelques encablures de ma route et la pause, avec son fils, est la bienvenue et revigorante avant d’attaquer la suite. Merci 🙂

Les visites surprises sur la French Divide

Les visites surprises sur la French Divide



A peine reparti, je pousse la porte d’un troquet et suis accueilli par mon prénom : passé la surprise, le gérant m’explique qu’il nous suit sur Trackleaders et qu’il était à peu près sûr de me voir m’arrêter ! Je peux enfin remplir mes bidons et mes sacoches de cochonneries, la journée ne peut que bien se passer maintenant !

 

Je roule ensuite sur des chemins de plus en plus caillouteux, qui montent sans cessent, à croire que Samuel veut nous faire souffrir. Le terrain me semble de moins en moins adapté au bikepacking, les distances entre les villages s’allongent et il ne faut pas faire l’impasse sur la moindre opportunité de ravitaillement. De plus tout est désert, et je croise rarement le moindre promeneur. Quelques chemins resteront dans les annales, dont celui gorgé de toiles d’araignées. Moi qui adore ces petits insectes… Je me découvre l’âme d’un défricheur de la French, dans les roues d’Harold, et prend un plaisir certain à imaginer tous les concurrents qui suivront mes traces dans la poussière.
Le décor sent de plus en plus le sud, tout est rocailleux, aride, dur. On prend du soleil pleine tête, et ce sont vraiment des heures difficiles. J’avance coûte que coûte, car il ne servirait à rien de se reposer ici, au milieu de rien. Et si je roule bien, je peux checker le CP3 aujourd’hui, soit 2,5 jours après le CP2 quand j’en comptais au moins 3.

Et parfois, le vélo de 20kg, tu pousseras dans la caillasse

Et parfois, le vélo de 20kg, tu pousseras dans la caillasse

La forêt mystérieuse de cette French Divide

La forêt mystérieuse de cette French Divide

Le sud et ses chemins escarpés

Le sud et ses chemins escarpés

 

A midi, j’avise l’unique boulangerie qui ne vend… que du pain ! Comme Harold, 4h plus tôt, la boulangère accepte de me vendre un peu de confiture et de paté et me fera des sandwichs maison que je dévorerai en 2 temps 3 mouvements sur le trottoir avant de repartir bien vite à l’assaut des chemins de pierres dans la chaleur étouffante.

Les ravitaillements sont rares sur le chemin de Compostelle

Les ravitaillements sont rares sur le chemin de Compostelle

Caylus, fin de journée, je cherche du ravitaillement et trouve, après de longues recherches, une supérette. Je me sens plus serein quand j’ai de quoi tenir la soirée, la nuit et le petit déjeuner du lendemain, la région étant tellement déserte que je ne compte plus du tout sur les boulangeries. Cela alourdit considérablement le vélo, et je suis obligé de pousser les kilos superflus dans les passages techniques suivants. Il y aura, selon moi, beaucoup de marche à pieds dans ces passages là pour la horde lancée à mes trousses.
J’essaye de ne pas me désunir malgré des heures de caillasses qui ont attaqué mes bras et mes mains et file le plus vite possible, vers Saint Antonin Noble Val pour une descente réputée difficile.
Le village est magnifique et j’en prends plein les yeux, avant d’avoir une vue dégagée sur la vallée tout aussi belle.
Il faut ensuite tout remonter sur la route, et je profite de la technologie pour tourner une vidéo et répondre aux nombreux messages que je reçois chaque jour : un vrai boostant pour les moments difficiles, dont cette journée fera partie.
Samuel avait prévenu et prévu une étape nouvelle, très difficile. Il n’avait pas menti, il fallait être préparé, physiquement, mentalement, matériellement, pour avaler ces kilomètres et je sais que beaucoup d’abandons seront à déplorer dans cette partie. Certains mettront 2 jours pour franchir cette portion de 160 kms.

Voir le soleil se lever et se coucher sur la French Divide

Voir le soleil se lever et se coucher sur la French Divide

Voir le soleil se lever et se coucher sur la French Divide

Voir le soleil se lever et se coucher sur la French Divide

Le technique ne me gène pas, et je me joue des roches et virages en direction de Bruniquel, où je suis accueilli par Matthieu et son équipe, un comité d’accueil de luxe. Matthieu est le fabricant des vélos Pechtregon au pied du Pechtregon et je prends le temps de déguster son fondant alors que nous échangeons sur cette aventure. La nuit est tombée et il me faut encore environ 1h30 pour atteindre le CP3.

Ravitaillement surprise à Bruniquel

Ravitaillement surprise à Bruniquel


L’ascension est caillouteuse, ultra raide, mais je ne poserai pas le pied, car je veux arriver au plus vite. Enfin j’aperçois Puycelsi, mais avant, il faut tout redescendre, puis tout remonter. Très raide, encore une fois, mais avec 4800 m de D+ dans les jambes aujourd’hui, je ne suis plus à ça près.  

Je suis accueilli par Bernard, qui après la Saintélyon, vient me supporter ici, sur la French : Merci ! Sam, Céline et les anciens dividers sont là eux aussi, et me font une fête pas possible à 23h, avant que le café rock s’y mette et que “le deuxième” soit applaudi par tous les clients.
Je checke le CP3 et ne peut refuser une bière et un bon repas. Tant pis pour Harold qui roule et creuse l’écart : il a raison, c’est ce qu’il fallait faire pour finir premier. Je n’ai pas eu l’envie, le courage, de m’y remettre ce soir là. J’ai profité. Profité des gens, de la bière, de la salade, du fromage, de la charcuterie, des échanges avec les anciens. C’était précieux.
Et c’est le coeur léger, heureux finalement, que je me couche sous un préau, bien au chaud, bien au sec, à deux pas de toilettes publiques et de l’eau courante associée : le bonheur paraît si simple ce soir, la vie est douce.

Soirée Rock au CP3 avec les anciens de la French Divide

Soirée Rock au CP3 avec les anciens de la French Divide

Dormir avec sa monture, c'est la French Divide

Dormir avec sa monture, c’est la French Divide

Un petit préau, une nuit 5 étoiles au CP3 de la French Divide

Un petit préau, une nuit 5 étoiles au CP3 de la French Divide

 

Trace Strava : https://www.strava.com/activities/1774907830

223 km

Temps roulage : 15h30

Temps total : 17h50

 

Supérette 11,28
resto 12,2

 

Jour 8 Dimanche 12 août

Et si l’ultra cyclisme commençait le 7ème jour ?

Après une telle nuit, je repars sur une trace roulante le coeur léger, à la lueur de mes lampes. J’avale les kilomètres, serein : derrière, ça sera difficile de revenir. Harold devant, ne sera pas atteignable à moins de passer une nuit blanche sur le vélo. Mais je sais déjà que je ne le ferai pas, je ne suis pas venu pour ça.

Et encore un lever de soleil magique sur la French Divide

Et encore un lever de soleil magique sur la French Divide

Après avoir contourné Toulouse, direction l’Ouest, ça sent les Pyrénées dont on aperçoit les contreforts. Mais la journée sera longue, très longue. Un nombre de chemins de champs incalculable, déserts, qui ne cessent de monter et descendre. Encore 4000 m de D+ aujourd’hui, comment mes jambes peuvent elles accepter ce traitement ? Mentalement, la solitude commencera à m’atteindre dans la journée, je ne suis pas fait pour rouler autant, tout seul.
En attendant il faut rouler, et surtout essayer de se gaver de tout ce soleil. Heureusement, la soif est moins difficile à gérer que les premiers jours.

 

L’anecdote du jour, c’est en passant dans une flaque : celle ci s’avère une vraie mare de boue qui me stoppe net. En forçant, j’arrive à ressortir le vélo, mais ce dernier tourne carré. Je démonte la roue arrière, vérifie les roulements. Tout semble aller correctement. C’est seulement après plusieurs arrêts et un démontage méticuleux suivi d’un gros nettoyage que je m’apercevrai que la roue arrière était déséquilibrée par le poids de la boue compacte. Seule avarie au compteur des 2300 kms de cette FD, je m’en sors bien !

 

De quoi tenir quelques heures sur la French Divide

De quoi tenir quelques heures sur la French Divide

La chaleur me rattrape à nouveau dans cette zone désertique, et je roule, sans me désunir, non stop. L’esprit vagabonde entre deux côtes, les heures défilent sous mes roues. Un divider ayant abandonné m’attend sur le bord de la route : le messie, il me permettra un petit ravitaillement en boisson et nourriture et m’indiquera la bonne supérette qui me permettra de tenir la journée, une minute avant sa fermeture. J’ai eu chaud pour ce coup là. Merci, ami divider, ta présence, ton réconfort, c’est aussi ça l’âme de la divide. Je me suis promis, ce jour là, seul, des heures durant, au milieu des champs, de rendre visite à la divide, si mon emploi du temps le permet à l’avenir. C’est une telle bouffée d’oxygène.
Le corps est maintenant rompu à l’exercice, et je suis capable de rouler de nombreuses heures sans m’arrêter, et c’est ce qu’il faut faire si je veux arriver lundi soir. Car oui, c’est le jour où selon moi tout change. La longueur et la solitude commencent à me peser. J’ai envie de partager ce que je fais.

Traversée de Auch sur la French Divide

Traversée de Auch sur la French Divide


Je suis tiré de mes rêveries à l’heure du dîner, à Marciac : joli village en fête qui accueille un festival de jazz. La foule me rebute, mais les stands de nourriture rapide me permettent de me faire un festin de calories en 30 min chrono, avant que l’orage n’arrive.
A peine remonté sur le vélo, il est là, sur moi, juste le temps de m’équiper pour la pluie.
J’attaque la dernière trace avant Lourdes, une trace de 80 kms. Je sais qu’à partir de  Lourdes, je peux finir la Divide en une journée de roulage, 14-15h, tout le monde me l’a dit sur la route. Mais là il est vingt heures passées, et j’ai encore 80 kms de VTT à abattre. Et pendant ce temps, Harold arrive à Lourdes pour une longue nuit à l’hôtel.
La pluie me fait hésiter, je pourrais dormir là. Mais cela signifie encore 1,5 jour sur la route, et après les 2 derniers jours de roulage, à plus de 15h / jour, je veux me reposer, je veux en finir. Je repars, profite des longues ascensions sous la pluie pour téléphoner, me déconnecter de la divide, moi qui était venu ici pour me déconnecter tout court, cherchez l’erreur.
Après étude de la carte, et en étant raisonnable sur les heures de sommeil, je vise le village de Saint Lézer. Pour bien faire, il aurait fallu aller à Lourdes, et tenter de battre Harold au finish, vu que derrière, l’écart est irrémédiablement creusé. J’ai longuement pesé le pour et le contre, de m’infliger une nuit blanche supplémentaire sur les chemins. J’ai décidé de privilégier le plaisir, relatif, d’un roulage normal, sans fatigue excessive, et d’assurer l’après Divide, une récupération plus rapide.
Après 3 heures dans une forêt difficile, technique, à la lueur des lampes, à éviter les crapauds, dans la boue, à pousser dans les côtes, je me prends un déluge pas possible à quelques encablures de Saint Lézer. La question ne se pose plus, je ne roulerai pas toute la nuit sous la flotte.
En rentrant dans le village, j’avise l’école attenante à la mairie et son superbe préau. Des gens sont à la fenêtre de la mairie, alors qu’on approche minuit, mais tant pis, je ne me cache pas. Je m’installe rapidement pour la nuit, obligé de me mettre nu dans mon Bivvy tant mes affaires sont détrempées.
Je ne dormirai pas très sereinement, plusieurs visites nocturnes, certainement prévenues par les locataires de la mairie. En faisant semblant de dormir, je ne serai pas délogé et c’est tant mieux.

 

Trace Strava : https://www.strava.com/activities/1770228217

250 km

Temps roulage : 15h30

Temps total : 17h50

 

Boulangerie 9
Supermarché 17,23

Marciac 8

Jour 9 Lundi 13 août

La French divide se mérite

Je m’éclipse à 5h, après une énième visite en espérant dormir dans un vrai lit le soir.

Je finis la forêt de nuit, encore de longues ascensions techniques et roule sur un chat qui a fait brusquement demi tour dans mes phares… La journée commence difficilement, et je réalise que la French Divide est une épreuve de tout premier ordre dont la difficulté va crescendo.
Le jour se lève quand je rejoins la route pour Lourdes. Je n’avance plus, et une douleur apparaît dans le genou, brutale, fulgurante. J’en oublie mes côtes. Après quelques réglages des cales automatiques, la douleur disparaît comme par enchantement, certainement la fatigue qui s’accumule.
Je m’arrête dans une boulangerie avant Lourdes, le reste à faire, 2 traces réputées difficiles et 211 kms au total sont une paille après tout le parcours réalisé, mais je sais aussi que ce n’est pas encore gagné.
La visite de Lourdes “Las Vegas de la religion” reste une formalité à ces heures matinales, et je suis en route vers quelques heures de chemins.
A 9h05, tout à coup, un énorme coup de massue, je me sens épuisé, vidé, j’ai du mal à garder les yeux ouverts. Coup de bol, une table de pique nique me tend les bras : je me réveillerai vers 9h30, habillé, casque sur la tête portable à la main, réveil en cours de paramétrage. Je n’aurai même pas réussi à aller au bout des 3 clics !
Je saute immédiatement sur le vélo, et m’hydrate et m’alimente : je sais qu’il faut réactiver tout de suite la machine, sinon je vais me traîner pendant des heures. Moi qui ai le sommeil difficile, c’est la première fois qu’une telle aventure m’arrive. J’étais venu aussi pour ça, pour découvrir la gestion du sommeil en vue d’autres épreuves, de “vraies” courses, de tester mes limites.
Assurément, ce lundi 9 août, les limites seront atteintes. La forêt est dévastée, les arbres couchés nous obligent à escalader pas mal, avec toujours un vélo trop lourd pour ce type d’exercice ! Et la boue est bien présente.
Ma monte pneumatique est adaptée, mais je n’avance pas, je plafonne à moins de 14 de moyenne, comme une rando dominicale difficile. Sauf que j’ai 211 kms à faire et l’objectif d’arriver avant minuit !
Mon esprit divague, et face aux difficultés qui se dressent sur la route, je perds parfois un peu pied. Je pleure à la pensée d’atteindre Mendionde, de dormir pour la première fois depuis 10 jours dans un lit ; je ris de moi même de m’infliger de telles aventures ; je me raisonne, car je sais que je suis capable d’aller au bout, et même bien plus ; je suis déjà un peu nostalgique de cette solitude, de ces paysages, de ce voyage. Et ça recommence. Je n’ai jamais été aussi près et en même temps loin de finir. Encore 9h de vélo.
Ca me parait interminable alors je m’autorise des M&M’S en haut de chaque côte, j’ôte ma Gore Tex à chaque fois que la pluie s’arrête, la remet dès que ça reprend. Toutes les heures, je lis vos petits messages. Je pense à vous, derrière vos écrans, qui suivez ma progression sur la carte. Si vous saviez comme cela me motive, comme je sais que je n’ai pas le droit de m’arrêter. Mais si vous saviez aussi, comme c’est dur ici, sur le terrain.
Je ne trouve rien pour manger rapidement à Oloron Saint Marie, en ce lundi à la campagne et sous la pluie. Je vide mes réserves de secours et file, toujours sous l’eau, sur un chemin enfin roulant après les heures à piétiner ce matin, à Navarrenx, kilomètre 100 sur 131 de cette avant dernière trace.
La supérette sera mon havre de paix pendant de longues minutes alors que les nuages se vident dehors. Je suis trempé, et mange comme dix, directement à l’intérieur de la supérette, la gérante n’ayant pas pu refuser ma demande au vu du déluge qui m’attend dehors.
Les clients regardent ce bonhomme de boue d’un drôle d’air et je les comprends. S’ils savaient ce qui se passe dans ma caboche en ce moment.
Une fois qu’il ne reste que des emballages vides, je me remets en route. L’anglais roule, je roule aussi. C’est comme ça maintenant.
Samuel ne pouvait pas nous laisser sans quelques chemins à ronces, sa spécialité. Je ne sais pas comment Harold a pu passer devant moi, c’est un mur qui se dresse face à moi. Je tente de passer en douceur, en force, le vélo devant, le vélo derrière, sur le vélo, rien n’y fait. Je n’aurai hélas pas la présence d’esprit de retirer ma Gore Tex, qui sera lacérée par ses quelques centaines de mètres sans intérêt. Je n’ose imaginer l’état de ma peau sans ses quelques maigres protections.


Les noms des bleds commencent à sentir le Pays Basque, puis enfin, telle une délivrance, mon GPS me demande de charger la dernière trace de ce périple. Larribar. 76 kms.
Mais on m’a prévenu, et je prévois 7-8 heures pour en venir à bout bien que les 50 derniers soient sur route. J’ai du mal à imaginer ce qui m’attend. Les chemins restent techniques et avec un bon dénivelé jusqu’à Saint Jean Pied de Port et je me dis que Sylvain s’est trompé : le plus dur est avant St Jean, ensuite ça déroule, car vu tout ce que je viens de vivre, je ne me sens pas de commencer les difficultés seulement maintenant.
Le soleil est revenu et les touristes profitent de la ville.
Moi je ne m’attarde pas, et attaque une ascension en pierres droit dans le pentu. Je sens que certains y passeront pas mal de temps derrière moi ! L’église en haut, valait l’effort, il faut le vivre pour le comprendre.
Encore quelques chemins avant que la lumière décline, et je profite de ce ciel d’encre sur le pays basque qui est tout vallonné. Peut être que Sylvain ne s’est pas trompé finalement.
3h pour faire les 50 derniers kms de route, imaginez la difficulté.
Je ne vous les décrirai pas, il paraît que la divide c’est aussi ça. Pour moi, ce soir là, alors que minuit approchait, sous une pluie battante, c’était trop. Mais je gravirai quand même, sur le vélo, dans l’obscurité totale, chacune des 3 ascensions qui me séparent de Mendionde, musique à fond dans les oreilles, et des pensées positives sur l’après divide. Je sais que je suis prêt pour d’autres aventures, et même plus difficiles, car je me sens bien, serein, après avoir perdu pied ce matin. J’ai repris le fil, j’ai compris comment dompter mon esprit, mes sens, comment me focaliser, me concentrer.
Je repense à tous ces kilomètres, toutes ces anecdotes dont certaines s’effacent déjà, tous ces sourires sur les visages croisés, tous ces dividers rencontrés, toutes ces belles bâtisses dont la France regorge, tout cet engouement derrière moi qui m’a porté ces derniers jours. Je ne faiblis pas car minuit approche et vous avez tous envie d’aller vous coucher en me sachant au chaud à l’arrivée.
Alors quand je vois JP, ami vététiste de longue date qui m’attend à quelques encablures de Mendionde, j’ai du mal à réaliser. Tout ce soutien pour un simple cycliste solitaire, est ce bien sérieux ?

Mon comité d’accueil a fait en sorte que la pluie s’arrête et je peux désactiver ma balise Spot définitivement, après 8 jours 17h et 49 minutes d’aventures, 2300 kms et près de 34 000 m de D+. Harold, arrivé 4h30 avant, n’a pas résisté au sommeil et je le comprends : on trinquera comme il faut le lendemain, avec Maxime le 3ème.
Jérôme, le gérant du restaurant qui nous accueille, et malgré l’heure tardive, me servira un délicieux repas pour fêter cette fin d’aventure.

Arrivée de la French Divide en 8J 17h 49min

Arrivée de la French Divide en 8J 17h 49min

Désactiver la balise Spot : la fête est finie, vite, un vrai lit.

Désactiver la balise Spot : la fête est finie, vite, un vrai lit.

Trace Strava : https://www.strava.com/activities/1770242988

253 km

Temps roulage : 16h50

Temps total : 19h

 

Boulangerie 6,7
Supérette 10,86
resto 11

 

Et après ?

Et après, il faut dormir. Beaucoup. Plusieurs fois par jour, pendant 5 jours d’affilée. Seule la faim me tirera de ma léthargie régulièrement, et le partage avec les finishers qui arrivent au compte goutte à Mendionde.
130 au départ, nous serons moins de 50 à l’arrivée. Alors, certes, dans le lot des abandons, il y a les doux rêveurs, les casses mécaniques ou physiques. Mais ne négligez pas la difficulté de ce parcours, qui va crescendo au fils des jours, qui vous fera puiser au plus profond de vos ressources physiques mais surtout mentales.
Je serai ravi de voir Didier finir sa French malgré ses déboires sur les derniers kilomètres : il fallait se battre pour aller au bout.

 

Je ne referai pas la Divide, j’ai vu, j’ai adoré, une fois suffit. Peu d’anciens qui prenaient le départ sont d’ailleurs allés au bout cette année. Peut être que l’ajout de difficultés a entamé les morals ?
Surtout, je suis très attiré par la longue distance sur route. Pas mal de choses à creuser dans ce domaine maintenant que je me sais capable d’enchaîner plusieurs journées de 15-16h sans faiblir, de dormir n’importe où, de me gérer dans tous les sens du terme.
La suite s’annonce donc captivante !

Un grand merci à Samuel, Céline et l’équipe (Clément, Louis, Rémi etc.) de nous permettre, égoïstement de vivre cette aventure. Vous nous donnez un cadre, une trace magnifique, des règles simples pour nous dépasser, voyager, découvrir et surtout découvrir qui nous sommes, de quoi nous sommes faits.

Merci Didier pour les excellents moments passés ensemble, pour ton partage, ta générosité sur le vélo, et nos longues conversations : je ne pouvais rêver un meilleur compagnon pour cette première partie d’aventure.


Bravo à tous les dividers, que vous soyez allés au bout ou pas, là n’est pas la question. Vous avez fait partie de l’aventure, de mon aventure, et il fallait oser.

Merci à tous les anonymes, anciens dividers, sympathisants sur les bords des routes, vous avez rendu possible ce voyage.

Je n’ai pas de mots pour toute l’énergie que j’ai reçue pendant ces 10 jours. Difficile de décrire ce qu’ont représenté vos messages et attentions, mais ils ont compté, énormément.

 

Derrière chaque divider, il y a une équipe, des proches, qui soutiennent, conseillent, acceptent. Les miens, la mienne, sont présents au quotidien, acceptent les heures de selle, les discussions sans fin autour de cette passion, les contraintes que cela représente. Sans elle, sans eux, rien ne serait possible, avant, pendant, après. Ils sont mes mécanos, mes sponsors, mes fans, mes nutritionnistes, mes conseillers, ma raison, mes diablotins, ma conscience, ma limite aussi. Et ils ne le savent pas encore, mais il y a beaucoup de choses à venir 🙂

Un merci spécial à Sylvain, sans qui je n’aurais peut être jamais osé tenter l’aventure et qui a su m’apporter de nombreuses réponses, et les mots justes, quand il fallait. J’ai pris la mesure de ton exploit de l’année dernière et j’ai beaucoup de chance d’avoir eu ta confiance et ton amitié pour progresser cette année. Peut être que je te redonnerai envie de faire du long ?

 

Vélo de David Schuster sur la French Divide

Vélo de David Schuster sur la French Divide

French Divide Harold et David

French Divide 2018 : Harold et David

French Divide 2018 : Maxime et David

French Divide 2018 : Maxime et David

French Divide 2018 : ceci n'est pas un podium Maxime Harold et David

French Divide 2018 : ceci n’est pas un podium Maxime Harold et David

French Divide 2018 : ceci n'est pas un podium Maxime Harold et David

French Divide 2018 : ceci n’est pas un podium Maxime Harold et David

French Divide 2018 : Nicola

French Divide 2018 : Nicola

French Divide 2018 : Didier et David

French Divide 2018 : Didier et David

Tous les détails sur l’avant French Divide sont disponible dans cet article.

Certains détails ont pu être altérés dans ce récit : ils ne sont que ma vision des évènements. 
Les photos ont diverses sources : Lucy, Didier, MiloPix, David, Jean-Pierre, Philippe

 

25 réflexions au sujet de « French Divide 2018 »

  1. Jean-Pierre Dumoulin

    On attendait le récit avec impatience, l’attente en valait la peine . C’est magnifique et l’exploit sans doute encore plus incroyable que ce que nous pouvons imaginer vu de l’extérieur . Une expérience hors norme , bravo David !

    Répondre
    1. David Schuster Auteur de l’article

      Merci Jean-Pierre pour ton soutient : je n’en suis toujours pas revenu de voir ta petite loupiote à quelques encablures de Mendionde, c’était fort !

      Répondre
  2. Hervé

    Superbe, le récit est à la hauteur de l’aventure et de la performance. Merci David, continue à nous faire rêver.

    Répondre
  3. Antoine Marchal

    Récit magnifique David, bravo à toi pour cette aventure extraordinaire ! C’est un vrai plaisir de te lire, merci de nous faire partager ce que tu vis dans ces moments hors normes 🙂

    Répondre
    1. David Schuster Auteur de l’article

      Merci Antoine, peut être que ça donnera envie à d’autres ! Un grand merci à ton frère, c’était top d’avoir de la visite
      Je te suivrai sur Vichy 😉
      A bientôt

      Répondre
  4. POISSY VTT

    Bravo encore David pour la performance et pour ta plume… vivement les prochaines aventures… Hâte d’en reparler avec toi… Repose toi bien.

    Répondre
  5. Emmanuel de BENOIST

    David, je t’ai suivi tous les jours et te connaissant un (tout) petit peu, ta performance mais également ton état d’esprit ne m’ont pas surpris. J’ai donc bien imaginé la difficulté de la solitude durant les derniers jours alors que l’exigence du parcours était totale. Tu a continué à me faire faire rêver par ton récit qui fait bien comprendre la réalité quotidienne de la FD et je te remercie pour cela. A bientôt pour quelques sorties, j’espère.
    Emmanuel 2B

    Répondre
  6. Olivier A

    Bravo David!

    accro au livetracking pour compenser mes vacances sans vélo, j’ai rêvé un instant d’un sprint dans la dernière nuit blanche comme un relais final de 24h, et comme on ne se refait pas je n’ai pas pu m’empêcher de calculer combien un peu de poids gagné ferait de différence en 34000 mètres d’ascension.

    Mais ce n’est pas le regard d’un Divider, je ne prendrai sans doute jamais le départ d’une telle aventure, le vélo 7 jours sur 7 est encore une autre dimension par rapport au vélo 24 heures sur 24.

    Un grand merci pour nous avoir montré avec tant de talents comme le mental est plus fort que la physique, et l’expérience partagée plus importante que la compétition.

    On a hâte de voir jusqu’où tu vas nous emmener les prochaines fois.

    Olivier A

    Répondre
    1. David Schuster Auteur de l’article

      Merci Olivier, ça m’a motivé de savoir qu’il y avait du monde derrière le tracking 🙂
      Il faut peut être que je me fasse un 24h (solo ?) pour apprendre la gestion de la dernière nuit. C’est ce qu’il aurait en effet fallu tenter, mais je n’ai pas eu le panache, le courage, la forme (l’envie et la motivation surtout ?) pour tenter cette aventure cette fois ci !
      Bref, ça me laisse plein d’idée pour les prochaines années, et c’est bien là l’essentiel
      Au plaisir d’échanger sur tout ça sur le vélo à la rentrée.
      A bientôt

      Répondre
  7. sylvainblairon

    Quel récit haletant. La deuxième partie de ta course m’a donné des frissons en repensant à tous ce que tu as pu vivre, et à ce que j’ai vécu l’année dernière. C’est magnifiquement écrit, et subtil dans l’écriture, avec une indépendance d’esprit que j’apprécie tellement.
    J’ai pu revivre ta course en connaissant maintenant l’envers du décors, car je me suis demandé à maintes reprises « comment ça allait » à certains moments.
    Encore bravo David.
    Et ne t’en fais pas, je n’ai pas perdu l’envie de faire du long 🙂 Mais il faut savoir ménager sa motivation et faire avec certaines contraintes, certaines années.
    Vite qu’on roule ensemble ou qu’on se voit pour qu’on en parle de vive voix !

    Répondre
  8. Xav Sil

    Salut David; félicitations c’est énorme! Ton récit est génial! Bien que l’on ne doit ressentir qu’une infime fraction de ce que tu as vécu, ton récit transpire de valeurs qui nous font tellement défaut de nos jours 👍. Encore bravo et merci pour nous faire vivre cette aventure via ton récit ou tes photos strava👏👏👏👏
    Et peut être à un de ces jours au hasard d’un chemin en forêt de St Germain ou sur le pbp…

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    1. David Schuster Auteur de l’article

      Merci de m’avoir soutenu pendant cette aventure et pris le temps de me lire 🙂
      Au plaisir de partager quelques coups de pédales dans nos belles forêts ou sur une sortie plus longue !

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  9. Guy

    Bravo David. Après la BTR tu es rentré dans une toute autre dimension. Tu nous fais vraiment réver! Et bravo pour ton style d’écriture tellement agréable à lire. La force du physique et de l’esprit!

    Répondre
  10. Matthieu

    Au début David était pour moi un point intriguant; évoluant, perforant la France à vive allure. Aujourd’hui on lis un Homme au grand coeur avec cette passion du vélo… cette envie de partage… et cette manière de lire le monde avec simplicité et bonheur !
    J’accroche fort !!!! Merci David !

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